Jusqu’à la fin du XIXe siècle, en France, la « discipline scolaire » désigne la « police des établissements », c’est-à-dire la manière d’assurer l’ordre dans les classes et les écoles. Ce que nous appelons les « disciplines scolaires » est désigné par les termes de « branches » ou de « matières d’enseignement ».
Ce n’est qu’au début du XXe siècle que le terme apparaît dans son acception actuelle et ce dans la foulée d’un double débat. Le premier s’ouvre dès le milieu du XIXe siècle : il porte sur l’utilité des études classiques et amène leurs défenseurs à mettre en avant la valeur des langues anciennes comme un exercice de « gymnastique » ou de « discipline » intellectuelle. Le second débat se déploie dans les années 1870-1880 et porte sur la rénovation de l’enseignement primaire : il est animé par le projet de ne pas seulement inculquer des connaissances mais d’éduquer ou de « discipliner » l’intelligence des enfants.
Le terme de « discipline scolaire » qui émerge ainsi en vient à désigner, au début du XXe siècle, toute matière d’enseignement en tant qu’elle peut servir d’exercice intellectuel. Par la finalité de formation intellectuelle qui est la leur, les « disciplines scolaires » se démarquent en même temps des disciplines scientifiques ou des disciplines de référence et s’affirment comme des construits, produits de l’école et de ses finalités éducatives (A. Chervel, 1988). Leur émergence témoigne également de l’ancienneté du débat, toujours actuel, entre les tenants de l’« instruire » et ceux de l’« éduquer ». Dans l’enseignement supérieur, un autre type de tension apparaît. Faut-il y privilégier des savoirs disciplinaires relativement fondamentaux et désintéressés (Duval, 2013), et/ou des aptitudes immédiatement mobilisables dans la vie professionnelle, qu’elles soient ou non strictement disciplinaires ? C’est dans ce contexte que l’on peut voir et questionner l’émergence de notions telles que les soft-skills et les compétences interdisciplinaires qui s’affranchissent parfois des terrains strictement facultaires.
Quoi qu’il en soit, de l’enseignement maternel à l’enseignement supérieur, les disciplines scolaires constituent donc une des voies à travers lesquelles l’école transmet l’outillage propre à la culture dans laquelle elle baigne et façonne l’esprit de ses membres. Elles constituent donc un des vecteurs de l’éducation comprise comme « une sorte d’aide apportée à des jeunes êtres humains pour qu’ils apprennent à utiliser les outils d’élaboration de la signification et de la construction de la réalité » (J. Bruner, 1996, p. 36). Elles sont donc inévitablement situées dans la culture à laquelle elles sont censées incorporer les sujets.
En ce début du XXIe siècle, l’école demeure durablement marquée par cette émergence, il y a un siècle, des « disciplines scolaires ». Mais leurs valeurs et les finalités qui sont les leurs ont-elles évolué ? Quels sont les accents majeurs de cette « discipline intellectuelle » que chaque « discipline scolaire » tente, aujourd’hui, de développer ? Quelles sont les répercussions de ce projet sur les modes de penser des élèves ? Comment et avec quelle efficacité ? Dans quelle mesure les enseignants adhèrent-ils au « modèle disciplinaire » qui semble ainsi avoir marqué durablement l’école ? Comment les enseignants évaluent-ils la « formation disciplinaire » des élèves dont ils ont la charge ? Dans quelle mesure cette persistance des « disciplines » est-elle remise en question, notamment par l’émergence de l’interdisciplinarité ? etc.
Les communications exploreront cette problématique, sous un ou plusieurs angles parmi ceux proposés ci-dessous, et dans le contexte d’un ou de plusieurs systèmes éducatifs et d’une ou de plusieurs disciplines.
Les communicants pourront faire état de recherches de nature variée (épistémologique, empirique, technologique, diagnostique), d'études de dispositifs, de recherches-actions, etc.
Ces contributions pourront :
- s’intégrer dans un symposium qui réunira a minima trois communications émanant de communicants de deux établissements d’enseignement supérieur différents ;
- faire l'objet d’une communication individuelle (20 minutes) que le comité organisateur intégrera au sein d'un panel comprenant d'autres communications ;
- prendre la forme d’un atelier (1h30) durant lequel le communicant devra « faire vivre » aux participants un dispositif didactique puis leur permettre d’en analyser les effets, de s'en distancier…
- être présentées sous la forme d’un poster lors d’une séance dédiée à cet effet.